Le manque d’inspiration, plus connu sous le nom du syndrome de la page blanche, ne touche pas que les écrivains. On imagine souvent ces derniers en train de noircir des pages sans fin, mais les photographes connaissent aussi ces périodes de vide. Elles sont cruelles, et n’importe quel artiste vous le dira : on ne sait jamais si elles sont passagères ou définitives.

Pourtant, ces pauses sont nécessaires lorsqu’on prend le temps de les analyser. Faut-il vraiment prendre une photo juste pour exister dans l’algorithme des réseaux sociaux ? Publier pour ne pas perdre quelques abonnés, rester visible au risque de se perdre soi-même ? Ce monde impitoyable du marché 2.0 nous pousse à produire en permanence, à alimenter ces tribunes populaires où un simple « J’aime » ou « Je me désabonne » peut décider de notre visibilité.

Que publier quand on ne sort pas shooter ? Que partager quand on n’a rien en stock ? Et si, tout simplement, on acceptait d’être humain avant d’être une machine à produire du contenu ? Rester fidèle à son regard, à sa vision, sans chercher à coller aux tendances du moment. Une photo plus ancienne peut réveiller une émotion, un souvenir, une réflexion. Pourquoi ne pas en profiter pour parler d’un livre inspirant, d’un film à la photographie marquante, d’une histoire qui nous touche ?

J’ai longtemps ressenti cette pression. J’ai un compte sur un réseau social consacré au portrait animalier, mais mon travail ne se résume pas à cela. En story, je partage mes différentes facettes, mais parfois, tout me semble bâclé. Pas de publication, et soudain, des abonnés en moins. En quelques jours, j’avais perdu quinze personnes. Qui sont ces gens qui « snobent » un compte par manque d’interactions ? Quels sont ces logiciels qui suppriment du contenu sans qu’on l’ait demandé ? Trop de questions dans ces moments de doute et de perte de confiance…
Mais faut-il être au top en permanence ? Dans mon article précédent, je parlais de mon envie de raconter des histoires en photo. Or, une histoire, cela se construit. Il faut du temps, un décor, une lumière, une ambiance, un instant T. Un film se prépare pendant des mois, voire des années. Pourquoi une photo ne mériterait-elle pas, elle aussi, cette patience ?

Et puis, cette image que je publie, pourquoi le fais-je vraiment ? Pour recevoir des compliments ? Pour la course aux likes ? Il devient difficile de répondre à toutes ces sollicitations.
Aujourd’hui, je choisis de ne plus me soumettre à cette frénésie de publication. La photographie, comme toute forme d’art, a besoin de temps, de maturité et d’authenticité. Alors, plutôt que de chercher à tout prix à exister dans un fil d’actualité, je préfère attendre le bon moment, celui où une image aura vraiment quelque chose à raconter.
